Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/122

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comme peuvent seulement aimer leurs peuples, les petits souverains qui connaissent à peu près tous leurs sujets de nom ou de figure, et qu’ils regardent comme une intéressante collection d’individus, dont ils sont propriétaires ; aussi a-t-il toujours, comme sur les lèvres, en face de son peuple : « Divertis-toi, je t’en supplie humblement ! » et pour l’encourager en ses joies, on le voit mettre le feu à tous les feux d’artifice, chauffer de ses applaudissements toutes les pièces des théâtres populaires, et prendre la file au carnaval, avec ses carrosses dorés.

Et, aux mauvais jours, quand ce fleuve sans eau, qui a eu cependant, du douzième siècle au dix-huitième, 54 grandes inondations, et 24 petites, quand l’Arno fait mine de monter, on peut le voir, le premier levé de Florence, accompagné de son parapluie, examiner de la berge, d’un œil anxieux pour son peuple, la montée du fleuve de ses États.

Un souverain si peu absolu, ce Léopold II, que lorsque la danseuse Fuoco, ne faisait pas sa visite d’usage, pour solliciter sa présence au théâtre, où elle dansait, et tenait d’insolents propos, pour motiver cette abstention, il se contentait de dire : « Elle me boude, nous verrons qui cédera ! » — et il allait voir le stenterello de Borgognissanti.

Oh ! rien d’autoritaire en cette cour, où tout le temps d’une représentation, la souveraine le passait à cacher