Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/137

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d’architecte, et qui appellent la bénédiction du ciel sur chacun de ces attributs, dont elles sont les divines porteuses, le Moyen Âge fête, de sa grâce encore maigriote, de ses épaules serrées, de ses tailles allongées jusqu’au pubis, de ses corps anémiés par la prière et les dédains de la vie d’ici-bas, fête, ce que l’homme tire de son cerveau pour la parure et l’enjouement de cette vie — et ces fresques sont une apothéose chrétienne du pinceau du peintre, du ciseau du sculpteur, de la plume de l’écrivain, et comme une annonce, en avance de près de deux siècles, du pontificat d’art de Léon X. Oh ! l’original et l’étrange peintre, que ce Taddeo Gaddi, en ses fresques de Santa Novella, de ses peintures des Uffizi ou de Santa Croce. Voyez ces morts du Christ, où la croix s’élève sur un ciel d’une pourpre assombrie jusqu’au noir, et où cette bizarre et déchiquetée vierge, à la robe couleur de flamme vive, selon l’expression du Dante, a la main tendue en avant, comme pour écarter le calice douloureux du spectacle ; — Voyez ces théories de saintes et de martyres, dans leurs longues robes, fleuries d’étoiles d’or, filant comme une gaine pudique du cou aux pieds ; — ces files de guerriers, montés sur des chevaux pompeux, aux casques où des oiseaux de fer battent des ailes ; — ces processions de Rois, les pieds nus, portant un petit morceau de la vraie croix ; — ces terrains accidentés, ces sortes de portes de fer de la nature, ces fleuves à l’eau ver-