Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/166

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de grands pots rouges fleuris, deux cavaliers montés sur des chevaux marins, escaladent la berge. Là, dans cette verdure intense des citronniers et des orangers, la blancheur des marbres est telle, que tout ce monde maritime apparaît, comme une grandiose sculpture en biscuit pâte tendre, posée sur un papier vert velouté !

Le Carnaval italien, je le répète, c’est quelque chose de remuant, de sautillant, de tournoyant, un accès de tarentisme, un branle tétanique des jambes, une espèce de diable-au-corps physique, bien plutôt qu’une folle joie, qu’une griserie intérieure. Des cris, des poussées, des chiades d’une récréation de collège, faisant toute une nation ballante dans les rues, voici en quoi consiste ce carnaval, aux gaudissements, honnêtes, purs, immaculés. Des femmes et des hommes entremêlés les uns dans les autres, sans une excitation aphrodisiaque, sans un dégagement passionnel, sans une empoignade de la chair de femme, que l’homme a sous la main. Et des hommes et des femmes, en l’échange et le troc de vêtements masculins sur des femelles, et de vêtements féminins sur des mâles, constituant un monde d’êtres inquiétants. Enfin un délire se donnant cours réglementairement, de deux à quatre heures, sans une gifle, sans un carreau cassé, sans la bousculade d’un agent