Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/169

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sième cadavre n’est plus que l’esquisse pourrie et déformée d’un corps, — un morceau de charogne fienteux d’un être.

La peste de Rome. Ce sont des squelettes, dont les os ne sont plus habillés que d’un je ne sais quoi de visqueux et de brunâtre, ou des cadavres couleur chocolat, comme calcinés de purulence, et aux grands morceaux de chair exfoliés, au-dessus desquels volètent des mouches à viande, au fond desquels s’aperçoivent des vers. Et dans ce charnier, au sol se soulevant, comme sous le rampement d’animaux impurs et vivant de la mort, dans ce charnier, qui semble l’étal de la marche de la corruption, jour par jour, heure par heure, au-dessus de femmes, dont les chairs paraissent encore un peu de la chair vivante, se dresse une femme faisandée, au ventre hideusement gonflé, que fouille un rat. Dans le salon obstétrique, des fœtus de quelques mois, modelés en cire, ressemblant aux idoles qu’adorent les peuples sauvages, — les premiers rudiments du dessin des nations se rapprochant des premiers rudiments de la création, — et une frenia de femme, dépouillée de ses chairs extérieures, est l’image absolue de la fleur de lotus des Égyptiens.