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couleurs divisant le costume de la racine des cheveux au bout des pieds.


LES PESTES

Les trois pestes de Florence, de Rome, de Milan, modelées en cire. Un modelage admirable, mais dont la petitesse de l’exécution enlève l’horreur de ces horreurs, et leur donne un peu le caractère d’un joujou. La peste de Florence. Une montagne de corps livides, culbutés les uns sur les autres, et présentant tous les tons du vert, depuis le vert bouteille jusqu’au vert tendre de la pousse des feuilles, montagne d’où sortent des pieds contractés, aux égratignures de vert-de-gris. Au milieu de ces cadavres, le cadavre d’une vieille en cheveux blancs, qui semble une statue de bronze vert, coiffée d’une perruque poudrée.

Dans la peste de Milan, un squelette couché sur le matelas des chairs tombées de son corps, un squelette de la nuance d’une poterie brune, avec les reflets bleuâtres qui se jouent sur les plats irisés de la Perse, à côté d’un autre cadavre, étendu sur un cénotaphe de marbre blanc, où l’on n’a pas eu le temps de l’enfouir, un cadavre couleur de fiel, où la peau, fendillée, s’ouvre talée et meurtrie, comme les blessures d’un fruit : horribles lézardes d’où s’égoutte de la sanie. Un troi-