Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/17

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un rien du sentiment de prédilection que les mères ont pour leurs enfants mal venus. Cette étude, avec ses défauts d’outrance, était pour moi un curieux renseignement sur nos cerveaux, sur leur ébullition un peu désordonnée, avant le refroidissement, l’apaisement, l’assagissement du talent formé, et je caressais la pensée de faire, un jour, de ces deux articles, un petit bijou typographique.

Cette pensée, longtemps un peu dormante, devenait, l’année dernière, une idée fixe, une obsession, et à l’automne, partant pour un séjour dans la Meuse, j’emportais le carnet italien — dont le parchemin avait été remplacé par un maroquin du Levant — pour y puiser les éléments d’une courte préface. Mais, je dois le dire, quand j’eus remis les yeux dans le petit manuscrit, j’eus un étonnement de ce qu’il contenait d’intéressant, sur les peintres primitifs, sur l’aspect des paysages, sur les silhouettes du populaire, sur le caractère de la beauté de la femme italienne, sur la cour de Toscane, sur les cérémonies de la semaine sainte à Rome, — enfin, au milieu de choses encore vivantes, sur tant de choses mortes aujourd’hui.