Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/209

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Et dans ce corps fermé à toute jouissance, à toute satisfaction matérielle, une seule sensualité était demeurée, un goût passionné pour les fleurs, et sa pauvre chambre de la Fullonica était toujours odorante de la senteur des lys et des violettes.

Or, dans cette chambre à la fois emplie de la suavité des fleurs et de la tendre dilection de Dieu : Doux Jésus ! Jésus amour ! Catherine se croit très sincèrement l’épouse du Christ qui, un jour, a dit à son âme : « Je célébrerai aujourd’hui avec toi, la joyeuse fête de nos fiançailles, en t’unissant à moi par le puissant lien de la foi ». Et en cette réalité humaine, donnée par l'imagination de l’extatique aux êtres qui ne sont pas, donnée aux purs esprits, le diable devient un tourmenteur en chair et en os de son intérieur, le diable qu’elle appelle plaisamment Malatasca (vieille sacoche) — et disant à propos des méchantes choses qui lui arrivent : « N’ayez pas peur, c’est encore un tour de Malatasca. »

C’est ainsi que cette femme du quatorzième siècle, tout en travaillant à réconcilier les guelfes et les gibelins, tout en s’efforçant à utiliser, au service d’une croisade, l’humeur batailleuse des condottieri, passe sa vie entière dans une vision béatifique, en cet état que saint Donaventure décrit ainsi : « L’extase est une élévation délicieuse de l’âme, jusqu’à cette source de divin amour, par laquelle elle se sépare de l’homme