Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/208

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faisant des rafles de 80 000 individus, et poussant les survivants aux jouissances brutalement hâtives, parlait aux multitudes accourues à sa voix « appelées comme par des trompettes invisibles, » parlait de la beauté des âmes, lavées du limon bourbeux du péché, avec l’illumination artiste d’une voyante céleste, devenant la purificatrice des laides consciences de son siècle, méritant le surnom de la Chasseresse mystique des âmes.

Un régime de vie du reste tout propre à l’exaltation de la mysticité, de l’érotomanie religieuse. Trois années entières, où Catherine de Sienne ne sortit de sa chambre que pour aller à l’église, trois années où elle se renferma dans un silence si entier, qu’elle ne parlait qu’à la confession, pour avouer ses fautes. Le coucher sur une planche, où elle ne s’accordait qu’une demi-heure de sommeil, tous les deux jours. La privation de la viande depuis l’âge de quinze ans, l’abandon du vin pendant les dernières dix-huit années de sa vie, le retranchement même du pain : sa nourriture, quelques feuilles de légumes et quelques fruits ; et encore ne faisait-elle que les mâcher et les rejeter après, ne se nourrissant que de leur suc. En sorte que l’hostie de l’eucharistie était presque son unique manger, et qu’elle ne se soulevait un peu de sa faiblesse presque mortelle, qu’à ce repas spirituel de tous les jours.