Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/62

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AU MUSÉE CORRER, deux amusants tableaux représentant « Une Scène de Carnaval », et « Une Représentation de Marionnettes » : deux tableaux, de ce Longhi, de ce peintre du Carnaval, en cette ville qui, pendant tout le dix-huitième, fut le théâtre d’un perpétuel carnaval, et où encore à l'heure présente, au fond de ces misérables logis, dont tout le mobilier se compose de trois madones avec leurs chandelles, d’un lit en planches, d’une grande armoire, — l’armoire ne contient guère, bien souvent, que le costume de carnaval et le masque.

Charmantes, les attitudes gouailleuses des masques masculins, vus de dos ! Ravissantes, les belles prestances des donne, la tête haute sous un petit tricorne, le rose de leur gorge, transperçant un camail de dentelle noire, appelé baütte[1] montant jusqu’au masque, ce masque étrange faisant un effet saisissant, ce masque blême aux lèvres et aux paupières rougies, — et ballonnantes dans leur large panier, les donne ! une

  1. Un article du Mercure de France, de l’année 1727, fait ainsi la description de la bahute, d’où vient l’invention du domino. C’est une petite capote de taffetas noir qui descend jusqu’au-dessous du menton, et qui est bordé par le bas d’une dentelle de soie. Elle est ouverte par devant, et échancrée de manière qu’on ne peut voir que le nez et les yeux. On met par-dessus un chapeau ou barrette de noble avec un demi-masque qui ne cache que le nez, le haut des joues, le front. Les hommes portent la bahute, sur un habit ordinaire, une robe de noble, une gamberluque ou robe de chambre.