Aller au contenu

Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais su la mêler, la marier à la pierre d’Italie, à la craie, et ses trois crayons sont petits et peinés, comme des dessins de graveurs.

Un Vénitien, du nom de Soldini, il y a vingt ans, déshérita, en mourant, sa famille de plusieurs millions, pour fonder un hôpital et des services en son honneur, des services solennels et pompeux dans Saint-Marc, tout tendu de noir, dehors et dedans, avec la musique d’une messe composée expressément pour lui : services mortuaires qui durent quatre jours, chaque année.

Et le Vénitien a tout réglé dans son testament, jusqu’au moindre détail, jusqu’au nombre des cierges, et si une seule des choses indiquées par lui venait à manquer, tout l’héritage doit retourner au corps de ballet de Milan. En sorte que tous les ans, le chef du ballet de Milan se transporte à Venise, pour inspecter si on a laissé de côté la moindre recommandation du mort — à l'affût du plus petit oubli.

Sous des voûtes magnifiques, sous des plafonds aux caissons merveilleusement sculptés, des lits rangés la tête au mur… Je suis avec le docteur Callegari à la Scuola di San Marco, à l’hôpital où les malades arrivent, d’où les morts s’en vont en gondole.

Nous voici dans la salle des vénériennes. D’aucunes