Page:Goncourt, L'Italie d'hier, 1894.djvu/73

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porteurs de burichietto, d’une espèce de jaquette sans collet, boutonnée sur la poitrine, de la culotte de toile de lin, d’un bonnet de drap rouge, surmonté d’un panache, l’épée et le poignard à la ceinture ; — les courtisanes, désireuses de se faire une bonne réputation en simulant l'honnêteté qui portent le deuil des veuves, mais trahissaient leur état, quand leur main soulevant leur capeline noire, laissait voir un cou, sans collier de perles, — luxe qui leur était défendu par les édits somptuaires ; — les basses prostituées, en un costume presque masculin, le torse dans un pourpoint très décolleté, et aux grandes franges, les jambes dans des espèces de culottes courtes, s’attachant au-dessus de bas de drap brodé ; — les servantes dans leurs robes de serge de laine, de la couleur fauve, qui s’appelait à Venise rovana, un voile blanc couvrant leur tête, et enveloppant leur humble silhouette.

De notre fenêtre (décembre, 10 heures du matin), le ciel bleuâtre devient à l’horizon couleur d’opale, et il semble flotter, tout là-bas, sur la mer, comme un crêpe, d’un bleu indiciblement tendre, s’en allant à la dérive. — Sur ce ciel des dômes et des campaniles, à l’apparence d’argent oxydé. — Près de la Giudecca, on dirait le soleil sur les flots jouant aux ricochets avec des palets de diamants et de feu, ou secouant une cotte de mailles d’acier poli, remuant sans trêve et fourmillante d’étincel-