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Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/238

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son cœur le remords et la plaie de ses amours : — Eh bien ! oui, tiens ! je t’aime… je t’aime, comme tu m’aimes, la ! autant ! et voilà tout ! Je t’aime comme ce qu’on a sous la main, et dont on se sert parce que c’est là !… J’ai l’habitude de toi comme d’une vieille robe qu’on remet toujours… Voilà comme je t’aime !… Qu’est-ce que tu veux que je tienne à toi ? Toi ou un autre… je te demande un peu ce que ça peut me faire ?… Car, enfin, qu’est-ce que tu as été plus qu’un autre pour moi ? Eh bien ! oui, tu m’as prise… Et après ? C’est-il assez pour que je t’aime ?… Mais qu’est-ce que tu m’as donc fait pour m’attacher, veux-tu me le dire ? M’as-tu jamais sacrifié un verre de vin ? As-tu eu seulement pitié de moi, quand je trimais dans la boue, dans la neige, au risque de crever ? Ah ! bien oui ! Et ce qu’on me disait, ce qu’on me crachait sur la tête, que mon sang ne faisait qu’un bouillon d’un bout à l’autre !… Tout ce que j’ai mangé d’affronts à t’attendre, c’est toi qui t’en fichais pas mal ! Allons donc !… C’est qu’il y a longtemps que je veux te dire tout ça… et que j’en ai gros là, va ! Voyons, dit-elle avec un sourire atroce, est-ce que tu crois que tu m’as rendue folle avec ton physique, avec tes cheveux, que tu n’as plus, avec cette tête-là ? Plus souvent ! Je t’ai pris… j’aurais pris n’importe qui ! J’étais dans mes jours où il me faut quelqu’un ! Je ne sais plus alors, je ne vois plus… Ce n’est plus moi qui veux… Je t’ai pris parce qu’il faisait chaud, tiens !