Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/52

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leurs coups, sous leurs injures, sous les blessures de leurs mains, sous les outrages de leur bouche. Il y avait là son beau-frère, qui ne lui pardonnait pas l’argent qu’avait coûté son voyage et qui la regardait d’un air goguenard avec une joie sournoise et féroce d’Auvergnat, avec un rire qui mit aux joues de la jeune fille plus de rouge encore que les soufflets de ses sœurs.

Elle reçut les coups, elle ne repoussa pas les injures. Elle ne chercha ni à se défendre, ni à s’excuser. Elle ne raconta point comment les choses s’étaient passées, et combien peu il y avait de sa volonté dans son malheur. Elle resta muette : elle avait une vague espérance qu’on la tuerait. Sa sœur aînée lui demandant s’il n’y avait pas eu de violence, lui disant qu’il y avait des commissaires de police, des tribunaux, elle ferma les yeux devant l’idée horrible d’étaler sa honte. Un instant seulement, lorsque le souvenir de sa mère lui fut jeté à la face, elle eut un regard, un éclair des yeux dont les deux femmes se sentirent la conscience traversée : elles se souvinrent que c’étaient elles qui l’avaient placée, retenue dans cette place, exposée, presque forcée à sa faute.

Le soir même, la plus jeune sœur de Germinie l’emmenait dans la rue Saint-Martin, chez une repriseuse de cachemires, avec laquelle elle logeait, et qui, presque folle de religion était porte-bannière d’une confrérie de la Vierge. Elle la mit à coucher avec elle, par terre, sur un matelas, et