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Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/53

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l’ayant là toute la nuit sous la main, elle soulagea sur elle ses longues et venimeuses jalousies, le ressentiment des préférences, des caresses données à Germinie par sa mère, par son père. Ce furent mille petits supplices, des méchancetés brutales ou hypocrites, des coups de pied dont elle lui meurtrissait les jambes, des avancements de corps avec lesquels peu à peu elle poussait sa compagne de lit, par le froid de l’hiver, sur le carreau de la chambre sans feu. Dans la journée, la repriseuse s’emparait de Germinie, la catéchisait, la sermonnait et lui faisait, avec le détail des supplices de l’autre vie, une épouvantable peur matérielle de l’enfer dont elle lui faisait toucher les flammes.

Elle vécut là quatre mois, enfermée, sans qu’on lui permît de sortir. Au bout de quatre mois, elle accouchait d’un enfant mort. Quand elle fut rétablie, elle entra chez une épileuse de la rue Laffitte, et elle y eut, les premiers jours, la joie d’une sortie de prison.

Deux ou trois fois, dans ses courses, elle rencontra le vieux Joseph qui voulait l’épouser, courait après elle ; elle se sauva de lui : le vieillard ne sut jamais qu’il avait été père.

Cependant, dans sa nouvelle place, Germinie dépérissait. La maison où on l’avait prise pour bonne à tout faire, était ce que les domestiques appellent « une baraque ». Gaspilleuse et mangeuse, sans ordre et sans argent, comme il arrive aux femmes dans les commerces de hasard et les mé-