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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/102

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prête à apporter le pire des vices de son sexe, l’engouement, dans la domination ; pendant qu’il la disait une aventurière aux mains des partis. Dans l’affaire de Guines, M. d’Aiguillon ne craignait pas d’ameuter le Châtelet contre la protection de la Reine. Il intriguait, trigaudait, tripotait contre elle, et son hostilité, basse et insolente, mêlée d’éclats et de souplesse, usait enfin la longue patience du Roi. Un jour de revue de la Maison du Roi au Trou-d’Enfer, M. d’Aiguillon tendait au Roi le papier des grâces : le Roi refusait de le recevoir, et passait. M. d’Aiguillon regardait la Reine : la Reine cachait mal un sourire. Déjà le neveu de M. de Maurepas avait fait partir pour Reims ses équipages et ses provisions, lorsqu’il recevait l’ordre de se rendre à Véret. Bientôt un nouvel ordre l’exilait à Aiguillon, Véret étant trop près de Pontchartrain et le neveu trop voisin de l’oncle. Cette disgrâce de M. d’Aiguillon était presque la disgrâce de M. de Maurepas. M. de Maurepas para le coup avec un tour de son génie : il fit le mort et le vieillard lassé des affaires, dégoûté de ce pouvoir où ne l’enchaînait que son dévouement. Prétextant sa santé et le repos à prendre, ses carpes à revoir, il refusa d’aller à Reims, en ne demandant à Louis XVI que la grâce de recevoir de ses nouvelles ; et il abandonna sans crainte le Roi à la Reine : il savait les préjugés du Roi contre les Choiseul ; il devinait le zèle et la précipitation de la Reine. La Reine semblait devoir triompher cette fois. Déjà l’on s’entretenait de son ascendant chaque jour croissant sur le Roi