Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/108

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Reine, il y eut mille riens de la parole, de l’air, du silence même, qui renfoncèrent vers l’orgueil cette affection prête à se livrer et se penchant aux avances, mais demandant au moins l’encouragement et le remercîment d’un sourire, d’une caresse, d’un désir.

Il faut le dire aussi : cette fortune heureuse des sympathies qui, dans les mariages des particuliers, tient les époux sans amour unis et rapprochés dans une communauté de goûts, d’habitudes, de tempéraments, ces liens, ces chaînes manquaient au ménage de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Peu d’alliances politiques eurent à lier ensemble un jeune homme et une jeune femme moins destinés l’un à l’autre par la vocation de leur nature et la tournure de leur éducation ; peu eurent à combattre un antagonisme si instinctif des idées, de l’âme, du corps même, et à triompher, par le devoir, d’une semblable contrariété d’humeurs, d’un conflit pareillement journalier des défauts, des vertus même.

Une élégance royale et une simplicité rustique, le caprice et le bon sens, la passion et la raison ; ici, la jeunesse toute vive, débordante, cherchant issue : là, une maturité sévère, morose, sans sourire : que de chocs dans ce contact de toutes les extrémités morales de l’homme et de la femme ! Si la jeune Reine avait ses grâces contre elle, le jeune Roi avait contre lui des orages, des colères, une brusquerie qui s’oubliait jusqu’aux jurons, une brutalité de premier mouvement et où le cœur n’entrait pas, mais qui allait jusqu’à la diminution