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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/109

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de la dignité royale. Le jeune Roi était empêché de plaire à la Reine par cette timidité de résolution, cette humilité de volonté, cette défiance de lui-même et de son âge dans laquelle l’entretenait le vieux Maurepas. C’est le lot de la femme d’aimer l’audace, les cœurs hardis, les coups soudains : le caractère lui parle d’abord et la domine ; et la Reine ne trouvait point un caractère dans le Roi. Le jeune Roi était empêché de plaire à la Reine par son esprit de détail, par son ordre poussé au plus loin, au plus bas, et jusqu’à la note de quelques sous ; par cette économie indigne d’un roi, qui abaissait la personne royale, considérée jusqu’alors comme l’aumônière des trésors de la France, à la misérable épargne d’un petit écu[1]. Pour être reines, les femmes gardent de leur sexe les religions et les superstitions. Et qui oserait exiger d’elles qu’elles renoncent à la générosité, à l’éclat, à toutes ces qualités brillantes, le legs de l’ancienne chevalerie, et que, s’en tenant aux solidités de l’homme, elles soient dans leurs amours plus sages et moins entraînées par l’imagination que les peuples dans leurs popularités ? Marie-Antoinette demandait à Louis XVI toutes les vertus royales, et Louis XVI manquait absolument de ces belles et naturelles ostentations, de ces mouvements nobles, grands, heureux, qui séduisent l’histoire et conquièrent une femme.

Nulle séduction encore pour la Reine dans l’es-

  1. Comptes de Louis XVI, Arch. gén. du royaume. Revue rétrospective, vol. V.