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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/122

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madame de Lamballe était la sérénité de la physionomie. L’éclair même de ses yeux était tranquille. Malgré les secousses et la fièvre d’une maladie nerveuse, il n’y avait pas un pli, pas un nuage sur son beau front, battu de ces longs cheveux blonds qui boucleront encore autour de la pique de Septembre. Italienne, madame de Lamballe avait les grâces du Nord, et elle n’était jamais plus belle qu’en traîneau, sous la martre et l’hermine, le teint fouetté par un vent de neige, ou bien encore lorsque, dans l’ombre d’un grand chapeau de paille, dans un nuage de linon, elle passait comme un des rêves dont le peintre anglais Lawrence promène la robe blanche sur les verdures mouillées.

L’âme de madame de Lamballe avait la sérénité de son visage. Elle était tendre, pleine de caresses, toujours égale, toujours prête aux sacrifices, dévouée dans les moindres choses, désintéressée par-dessus tout. Ne demandant rien pour elle, madame de Lamballe se privait même du plaisir d’obtenir pour les autres, ne voulant point faire de son attachement le motif ni l’excuse d’une seule importunité. Oubliant son titre de princesse, elle n’oubliait jamais le rang de la Reine. Bru d’un prince dévot, elle était pieuse. Son esprit avait les vertus de son caractère, la tolérance, la simplicité, l’amabilité, l’enjouement tranquille. Ne voyant pas le mal et n’y voulant pas croire, madame de Lamballe faisait à son image les choses et le monde, et, chassant toute vilaine pensée avec la charité de ses illusions, sa causerie gardait et berçait la Reine comme dans