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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/125

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Cette nomination dont elle fait un secret même à l’Impératrice-Reine, elle l’annonce d’avance au comte de Rosenberg dans cette phrase où se réjouit sa tendre amitié : « Jugez de mon bonheur ; je rendrai mon amie intime heureuse et j’en jouirai encore plus qu’elle. » Il y eut presque un soulèvement à la cour. Madame de Cossé quittait sa charge de dame d’atours[1]. La duchesse de Noailles, devenue la maréchale de Mouchy si mal disposée déjà contre la Reine, abandonnait sa charge de dame d’honneur,

    l’état et charge de chef du conseil et surintendante de la maison de la Reine, pour par notre dite cousine, l’avoir, tenir et exercer, en jouir et user aux honneurs, pouvoirs, fonctions, autorités, privilèges, prérogatives, prééminences qui y appartiennent, ainsi et de la même manière qu’en a joui ou dû jouir notre très-chères et très-aimée cousine la feue demoiselle de Clermont… Le 16e jour de septembre, l’an de grâce 1775 et de notre règne le 2e. » Maison de la Reine. Archives de l’Empire.

  1. Madame de Cossé n’était pas amenée à quitter sa charge par un simple froissement d’amour-propre. La délicatesse de sa santé avait fait déjà courir l’année précédente le bruit de sa retraite. Et Marie-Antoinette dans une lettre, où au fond elle regrette vivement sa dame d’atours, donne le vrai motif qui fait abandonner à la duchesse le service de la reine : « Je fais une grande perte dans ce moment-ci par la perte de madame de Cossé, ma dame d’atours, je le craignais depuis longtemps, mais je n’ai pu me refuser au triste état de son enfant, dont cette pauvre mère sèche sur pied, il n’a que quatre ans, elle l’a nourri elle-même, depuis six mois il a été inoculé, et après cette malheureuse inoculation, il est devenu boiteux. Les remèdes sans nombre qu’on lui a faits ont un peu remédié à la boiterie, mais il maigrit et dépérit insensiblement. Dans sa désolation, madame de Cossé n’a d’autre ressource que de mener son fils à des eaux en Savoye et de passer l’hiver dans les provinces méridionales. Je la regrette fort parce que c’est une femme de mérite et des plus honnêtes que je puisse jamais trouver. Je crois que je la remplacerai par madame de Chimay, une dame à moi, qui est généralement aimée. »