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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/127

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geait six cents coiffeurs de femmes à la communauté des maîtres barbiers-perruquiers[1]. La tête des élégantes était une mappemonde, une prairie, un combat naval. Elles allaient d’imaginations en imaginations et d’extravagances en extravagances, du porc-épic au berceau d’amour, du pouf à la puce au casque anglais, du chien couchant à la Circassienne, des baigneuses à la frivolité au bonnet à la Candeur, de la queue en flambeau d’amour à la corne d’abondance. Et que de créations de couleurs pour les énormes choux de rubans, jusqu’à la nuance de soupirs étouffés et de plaintes amères[2] ! La Reine se jette dans cette mode. Aussitôt les caricatures et les diatribes de passer par-dessus toutes les têtes, et de frapper sur la jolie coiffure aux mèches relevées et tortillées en queue de paon, dans laquelle elle s’est montrée aux Parisiens. La satire, qui permet tant de ridicules à la mode, est impitoyable pour le quesaco que la Reine montre aux courses de chevaux, pour les bonnets allégoriques que lui fait Beaulard, pour la coiffure de son lever, courant Paris sous le nom de Lever de la Reine. Les plaisanteries de Carlin, commandées par Louis XVI, contre les panaches de la Reine, le dur renvoi de son portrait par Marie-Thérèse, les attaques un peu brutales de cet empereur du Danube, son frère Joseph, contre son rouge et ses plumes, n’étaient pas jugés une

  1. Mémoires de la République des lettres.
  2. Costumes français pour les coiffeurs, 1776-1777, chez Esnault et Rapilly. — Coiffures de 1589 à 1776. — Correspondance secrète, vol. I.