Aller au contenu

Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vence semble une naïade d’opéra. Puis c’est le comte de Provence, en costume de caractère, figurant la Sagesse antique avec une grande barbe, une couronne de laurier sur la tête, et un rouleau de papier à la main ; tandis que le comte d’Artois, vêtu en Provençal, porte légèrement les couleurs de son âge et de ses goûts, une culotte et une veste de satin rayé rose et bleu, doublés de taffetas vert-pomme fleuri d’argent. La Reine danse dans ces bals costumés ; elle danse dans ces jolis bals intimes où les danseuses, débarrassées des lourds paniers, semblent toutes légères sous le domino de taffetas blanc à petite queue et à larges manches Amadis ; et voilà la Reine coupable de se costumer, de danser, et de préférer aux danseurs qui dansent mal les danseurs qui dansent bien[1]. Mais je crois que la postérité commence à être lasse de reprocher à cette Reine de vingt ans sa demande à un ministre de la guerre de lui laisser pour ses fêtes de Versailles des cavaliers que leur régiment réclamait[2].

Étrange sévérité ! Dans ce siècle de la femme, rien de la femme n’était pardonné à la Reine. C’est qu’au-dessous des partis, au-dessous de M. d’Aiguillon, au-dessous de Mesdames, une société, un monde puissant, remuant, emplissant les salons, tenant à tout, apparenté au mieux, lié de loin ou de près, de nom ou de honte, blessé de toute vertu, et animé contre la Reine d’inimitiés personnelles,

  1. Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de Lamarck.
  2. Portefeuille d’un talon rouge.