Aller au contenu

Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des cascades, l’ombre blanche des statues, les bois lointains, l’argent des eaux, l’horizon flottant, l’écho errant, berçaient la lassitude de la Reine et charmaient son malaise ; nuits d’innocence, où Marie-Antoinette se faisait de grandes joies des conversations saisies au vol, des méprises essuyées, des promeneurs interdits devant l’apparition de cette Reine de France qui s’amusait des hasards et des aventures comiques de l’incognito, sous ce vieux buste de Louis XIV niché au bout de l’Orangerie, que le comte d’Artois ne manquait pas de saluer d’un : Bonjour, grand papa ! Un soir la Reine n’eut-elle pas la folie de faire venir une échelle, pour que le prince de Ligne, monté derrière la statue du grand Roi, répondît à la politesse du jeune prince[1] ?

La Reine avançait dans sa grossesse. Le public s’entretenait en tremblant des balourdises et des grossièretés de l’accoucheur Vermond[2]. Toutes les cathédrales, toutes les églises retentissaient des prières de quarante heures. Par toute la France, chapitres d’archevêché, abbayes, universités, officiers municipaux, prieurés royaux, chapitres nobles, compagnies de milice bourgeoise, pensions militaires de la jeune noblesse, particuliers même faisaient célébrer des messes solennelles, aumônaient les hôpitaux et les pauvres pour l’heureux accouchement de la Reine[3].

  1. Fragments inédits des Mémoires du prince de Ligne. La Revue nouvelle, 1846.
  2. Mémoires de la République des lettres, vol. XII.
  3. Gazette de France, 11 et 15 décembre 1778.