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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/180

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être qu’il ne les estimait. Il avait le cœur et l’humeur d’un enfant gâté. Morose au fond, maussade et grognon dans son intérieur, dur à ses gens, sorti de son chez lui, il sortait de lui-même, et il était, en société, le plus gai et le plus aimable des hommes de salon. Il était jeune comme un homme heureux, et il fallait qu’il montrât ses rides et ses cheveux blancs pour les faire voir. À soixante ans, il veut être de la société du Roi, des chasseurs, la seule société de Louis XVI : il se fait présenter comme un jeune homme ; il met l’habit gris de débutant, prend des quartiers de noblesse, monte dans les carrosses, et le voilà à la chasse. Il s’est trouvé à la mort de Berwick, il se trouve quarante ans après à la mort du cerf[1].

M. de Besenval calomniait sa faveur, lorsqu’il disait à un duc revenant à Versailles après six mois d’absence : « Je vais vous mettre au courant : ayez un habit puce, une veste puce, une culotte puce, et présentez-vous avec confiance : voilà tout ce qu’il faut aujourd’hui pour réussir[2]. » M. de Besenval avait réussi par d’autres agréments : il était un courtisan, mais un courtisan habile, audacieux, nouveau, sans valetage, sans fadeur. Il avait su garder de l’officier de fortune et du Suisse dans le personnage. Il s’échappait en éclats, en vivacités, en imprudences, qu’il menait jusqu’où il voulait. Il s’oubliait avec sang-froid ; il s’insinuait brusque-

  1. Mélanges militaires, etc., vol. XXIX.
  2. Souvenirs de Félicie, par Mme de Genlis, 1806.