Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/179

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poches, tout plein de grâces insolentes et délibérées, content de lui, et prêt à rire des autres. Le plaisir occupait M. de Besenval jusqu’à la mort de Louis XV. Puis, rapproché, par son grade, du comte d’Artois, colonel général des Suisses, M. de Besenval en faisait son ami, entrait par le comte d’Artois chez la Reine, abordait sa confiance, la dirigeait, devenait lieutenant général des armées du Roi, grand-croix, commandeur de Saint-Louis, inspecteur général des gardes suisses, sans être étonné de sa fortune, sans le remercier. « Ne me sachez aucun gré de mon bonheur, — écrivait-t-il, — le hasard seul en fait les frais ; moi, je ne m’en suis pas mêlé…[1]. »

L’homme, chez M. de Besenval, était un beau viveur et un délicat vivant. Il avait tous ces nobles goûts et toutes ces jolies passions, les adieux d’un monde qui va finir. Riche, comblé de traitements, garçon, sans train de ménage ni de représentation, maniant habilement ses revenus[2], il jetait l’argent aux belles choses, aux tableaux, aux statues, aux bronzes, aux porcelaines, aux bacchanales de marbre blanc de Clodion[3]. Il raffolait de jardins, comme le prince de Ligne, conseillait les embellissements de Trianon, et y amenait les serres de Schœnbrunn[4]. Ayant vu de près l’histoire et la gloire, il ne s’en souciait plus. Il aimait son siècle, l’amour, la cour, la vie, ses amis, plus peut-

  1. Mémoires du baron de Besenval. Introduction.
  2. Correspondance entre le comte de La Marck et le comte de Mirabeau. Introduction.
  3. Paris tel qu’il était avant la Révolution, an IV, vol. II.
  4. Mémoires de Besenval. Introduction.