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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/184

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Jeune, M. de Vaudreuil avait eu une figure charmante. La petite vérole l’avait emportée. La physionomie et les yeux de sa figure lui étaient seuls restés. Les nerfs ébranlés à tout moment, travaillé de langueurs et de vapeurs, tourmentés de perpétuels crachement de sang, il tirait de ses souffrances la grâce, l’intérêt, les bénéfices aussi et les droits d’un malade. La charité de Madame de Polignac, l’indulgence de ses amis, avaient habitué M. de Vaudreuil à une certaine tyrannie de caprices et de boutades, non sans des retours et des excuses qui faisaient tout oublier. Véhément à louer ou à blâmer, mobile, inégal, parfois boudeur, son caractère était journalier et au gré de son corps ; mais il y avait chez M. de Vaudreuil ces vertus vigoureuses qui se rencontrent parfois au fond des sceptiques, et qui rachètent avec la foi du cœur le doute de l’esprit : il était dévoué, constant en amitié, noble, généreux, bienfaisant, franc et loyal. Puis M. de Vaudreuil était l’homme de France qui savait mieux le monde et l’usage du monde. Il y avait débuté par une maladresse : il y commandait par la perfection des façons. Nul à la cour ne savait comme lui employer tour à tour et à point l’expression précisément convenable de la politesse, être sérieux ou enjoué, familier ou respectueux, se tenir dans le savoir-vivre ou se donner à l’empressement, user enfin, sans les mêler, de tous les témoignages de devoirs et d’égards qui sont le commerce de la société et l’art de plaire. Nul homme pour s’approcher d’une femme comme il s’en approchait et