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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/183

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cher, des saintetés de Lemoine aux allégories de Menageot, des fabriques de Fragonard aux familles de Greuze, des Cythérées de Watteau au Serment des Horaces de David[1].

M. de Vaudreuil adorait les arts, les lettres et leur monde. Il réunissait toutes les semaines à sa table les artistes et les hommes de lettres ; et le soir, au salon, sur les tables, les instruments, les pinceaux, les crayons, les couleurs et les plumes invitaient tous les talents et tentaient tous les génies.

Entré de bonne heure au plus avant de la meilleure et de la plus secrète société de Versailles, il avait eu des yeux, des oreilles, de la mémoire ; en sorte que l’humanité ne lui semblait ni bien ni belle ni bien grande. L’intelligence le charmait, l’intelligence française surtout, l’esprit. Il était l’ami de tous les hommes d’esprit et l’ami de l’esprit de Champfort, l’ami de cette gaieté vengeresse, de cette gaieté, la comédie et la consolation d’un galant homme sans illusions, qui montre en riant le rien que nous sommes. M. de Vaudreuil était lui-même un rare causeur, parlant peu, embusqué derrière le bruit des mots et des sots, imprévu, soudain, jetant son trait, sans ferrailler, droit au fait ou à l’homme. Il excellait encore aux sous-entendus, à ces jeux de la physionomie et de l’air, qui parlent souvent mieux que la parole et vont plus loin. Malin avec le sourire, impitoyable avec l’ironie, il médisait avec le silence.

  1. Paris tel qu’il était avant la Révolution, an IV.