Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/188

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en avant, que rien n’intimidait, une humeur folle et sans arrêt, une insouciance insolente et contagieuse ; une femme précieuse dans une cour pour en être le boute-en-train, l’étourdissement et la confiance, pour mettre le feu aux causeries, défier les alarmes, dissiper les pensées noires, promettre le beau temps, et railler l’avenir[1].

Il y avait enfin la Reine, qui effaçait toutes les femmes qui l’entouraient par sa personne, et par ce je ne sais quoi de la personne, le charme, car il faut toujours revenir à ce mot pour essayer de peindre cette Reine qui régnait sans couronne, et même à Trianon, par toutes les séductions de la femme, par tout ce qui porte l’âme au dehors et par tout ce qui en vient, par la voix, par l’esprit, cet esprit qui lui a fait tant de jaloux, même parmi ses amis, que nul ne lui a rendu justice, et que tous l’ont diminué.

L’esprit de la Reine avait reçu de la nature, il avait acquis de l’exercice journalier de la bienveillance, ce don rare et précieux : la caresse. Quelles ressources, quelle convenance et quelle délicatesse de flatterie avaient ajoutées à ses heureux instincts cette habitude et cette ambition de Marie-Antoinette de ne laisser nul l’approcher sans le renvoyer avec une de ces phrases, un de ces mots qui n’ont point d’ingrats ! Dès les premiers jours de son règne, la Reine s’était refusée à ce marmottage des

  1. La Galerie des Dames françaises, pour servir de suite à la galerie des États généraux. Londres, 1790.