Aller au contenu

Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

princesses de France, qui les dispensait de parler, pour accueillir les présentations. La Reine parlait à tous[1], s’appliquant à trouver le chemin du cœur ou de la vanité de chacun, et le trouvant toujours avec ce bonheur et cet à-propos, cette soudaineté et cette inspiration presque providentielles, et qui semblaient, chez cette souveraine bien-aimée, comme une grâce d’état de son amabilité.

Quel esprit mieux fait et mieux formé qu’un tel esprit pour la vie particulière ? Il apportait à la société privée, à la causerie intime toutes les grâces de son rôle royal, plus libres et plus aisées, la facilité de se prêter aux autres, l’habitude de leur appartenir, l’art de les encourager, la science de les faire contents d’eux. Il avait, si l’on peut dire, l’humeur la plus facile, une naïveté qu’il était charmant d’attraper, une étourderie qui se prêtait de la plus agréable façon aux petites malices de ceux que la Reine aimait, des fâcheries tout aimables si l’on venait à tourner une de ses paroles en liberté ou en méchanceté, des bavardages qui avaient le tour et l’ingénuité de la confidence, des alarmes enfantines sur les petites inconvenances qui pouvaient lui échapper, de certaines petites moues qui grondaient si joliment les gaietés un peu vives, des bouderies oubliées devant un visage triste, des accès de rire qui emportaient ses disgrâces, et tout à la fois une indulgence de Reine et des pardons de femme. Au contact de l’esprit de ses amis, dans la

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. I.