Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/19

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deloupe, aujourd’hui Saint-Domingue, demain Cayenne. La France détournait-elle ses yeux de son empire au delà des mers, la patrie, en écoutant à ses frontières, entendait la marche des troupes prusso-anglaises. Sa jeunesse était restée sur les champs de bataille de Dettingen et de Rosbach ; ses vingt-sept vaisseaux de ligne étaient pris ; six mille de ses matelots étaient prisonniers ; et l’Angleterre, maîtresse de Belle-Isle, pouvait promener impunément l’incendie et la terreur le long de ses côtes, de Cherbourg à Toulon. Un traité venait consacrer le déshonneur et l’abaissement de la France. Le traité de Paris cédait en toute propriété au roi d’Angleterre, le Canada et Louisbourg, qui avaient coûté à la France tant d’hommes et tant d’argent, l’île du Cap-Breton, toutes les îles du golfe et du fleuve Saint-Laurent. Du banc de Terre-Neuve, le traité de Paris ne laissait à la France, pour sa pêche à la morue, que les îlots de Saint-Pierre et de Miquelon, avec une garnison qui ne pouvait pas excéder cinquante hommes. Le traité de Paris enfermait et resserrait la France dans sa possession de la Louisiane par une ligne tracée au milieu du Mississipi. Il chassait la France de ses établissements sur le Gange. Il enlevait à la France les plus riches et les plus fertiles des Antilles, la portion la plus avantageuse du Sénégal, la plus salubre de l’île de Gorée. Il punissait l’Espagne d’avoir soutenu la France, en enlevant la Floride à l’Espagne. Mais l’Angleterre n’était point satisfaite encore de l’imposition de ces conditions, qui lui donnaient presque tout le con-