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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/202

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busée, elle n’avait pu taire les reproches à M. de Vaudreuil ; elle s’était plainte de l’indiscrétion et de la témérité d’une amitié qui l’avait compromise dans le scandale de trop d’esprit. Alors cet homme, voyant l’avenir lui échapper, ne se contint plus ; hors de lui aux contrariétés les moindres, il éclata, il s’oublia, et il arriva que la Reine montra un jour à madame Campan sa jolie queue de billard — une dent de rhinocéros à la crosse d’or — en deux morceaux : M. de Vaudreuil l’avait brisée de colère pour une bille bloquée[1] !

Il y avait eu des sujets de refroidissement plus graves encore entre la Reine et la société de madame de Polignac : je veux parler des suppressions ministérielles auxquelles la Reine s’était à la fin soumise. Tous les hommes de ce monde se mirent alors à trembler pour toutes les grâces qu’ils avaient arrachées. Besenval, portant la parole pour tous, répétait d’un air fâché à la Reine : « Il est pourtant affreux de vivre dans un pays où l’on n’est pas sûr de posséder le lendemain ce qu’on avait la veille ; cela ne se voyait qu’en Turquie ! » À la réunion de la grande écurie à la petite, M. de Coigny, dînant et se promenant avec la Reine à Trianon, n’avait pu obtenir d’elle un entretien pour la détourner d’y consentir. Il se répandait en propos contre sa bienfaitrice, après s’être fâché avec le Roi presque jusqu’à l’injure. M. de Polignac avait été profondément blessé de la prière que la Reine lui avait adressée

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. I.