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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/222

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de malheureux sans métier, sans ressources, et faisant ressource de tous les métiers, industriels, entremetteurs, mendiants, ramassant leur pain dans les antichambres, vivant de hasards et de prostitutions entre le Mont-de-Pitié et Bicêtre, errant d’auberge en auberge, disputant les hôteliers à coups de poing, poursuivis de gîte en gîte par les dettes et les hontes criardes !

Voici l’affaire : le joaillier Bœhmer avait vendu à la Reine des girandoles d’oreilles, moyennant 360,000 livres, payables sur la cassette de la Reine, qui était de 100,000 écus par an. Bœhmer avait encore vendu au Roi, pour la Reine, une parure de rubis et de diamants blancs, puis une paire de bracelets de 800,000 livres. La Reine alors déclarait à Bœhmer qu’elle trouvait son écrin assez riche, et qu’elle ne voulait rien y ajouter ; et le public la voyait si rarement porter ses diamants, qu’il croyait qu’elle y avait renoncé. Bœhmer cependant s’occupait de la réunion des plus beaux diamants qui se trouvaient dans le commerce pour en former un collier à plusieurs rangs que sa pensée secrète destinait à la Reine. Il songeait à le faire proposer à la Reine par quelque personne de la cour ; un gentilhomme de la chambre du Roi consentait à le présenter au Roi. Le Roi, émerveillé de la beauté des diamants, accourait l’offrit à la Reine. Mais la Reine assurait le Roi qu’elle serait désolée d’une telle dépense pour un pareil objet ; qu’elle avait de beaux diamants ; que l’usage de la cour était de n’en plus porter que quatre ou cinq fois par an ; et