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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/256

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hommes d’Église, dans ce siècle où les vertus même d’un Malesherbes étaient hors de l’Église, appartenaient au siècle. Atteints de cet empirisme civil, l’épidémie du temps, ils avaient imaginé, pour conduire les idées de leur génération, de s’appuyer sur elles. Leur moyen était une sorte d’apostolat philosophique ; leur objet, la guerre aux erreurs gouvernementales ; leur principe, le bonheur public, qu’ils disaient la véritable, la seule religion d’un État[1]. Toutefois, cette philosophie, ces principes avaient chez eux le relâchement, les facilités et les accommodements de l’époque et des mœurs qui les entouraient. Croyant au mieux matériel de l’humanité, ils ne s’aveuglaient point sur l’amélioration des hommes, qui, selon eux, « ont été, sont et seront toujours des hommes. » Aussi les jugements sévères, les alarmes sur l’abaissement des âmes, sur l’abandon et le décri de la discipline morale de la nation, leur paraissaient une sorte de jansénisme étroit et indigne d’un homme d’État. Ils jugeaient une invention dénuée de fondement la distinction d’époques où les nations florissent par les bonnes mœurs, et d’époques où elles dégénèrent par les vices[2]. En un mot, ces singuliers successeurs des Ambroise et des Chrysostome ne répugnaient pas à allier l’illusion à la corruption du dix-huitième siècle, et ils

  1. Mémoires de la République des lettres, vol. XXI.
  2. Mémoires historiques et politiques du règne de Louis XVI, par Soulavie, vol. I.