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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/264

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ni les préventions des intérêts, ni les haines des partis.

Les deux belles-sœurs de la Reine, Madame, femme de Monsieur, et la comtesse d’Artois, jalouses toutes deux de la Reine, envieuses de cette domination enchantée de sa bonté et de son esprit, étaient allées grossir le parti de Mesdames tantes, et lui avaient apporté deux hostilités qui empruntaient leurs nuances et leur gradation à la tournure de leurs caractères et à l’hostilité de leurs maris. La passion de la comtesse d’Artois était un peu retenue par l’attachement du comte d’Artois pour sa belle-sœur. La passion de Madame, au contraire, était excitée et encouragée par les propos et la guerre de méchancetés de Monsieur contre la Reine. Mille chocs journaliers, les moindres incidents, les plus petits prétextes à fâcherie, les affronts imaginaires, un mot de la Reine à Madame sur la conduite équivoque de madame de Balbi et le tort qu’elle avait de l’attacher à sa personne, un geste même, un air, rien ne se perdait dans cette mémoire sans pardon où germait la rancune. Un jour Madame ne disait-elle pas à Marie-Antoinette : « Vous ne serez que la Reine de France, vous ne serez pas la Reine des Français[1]. » Les contrariétés de la Reine de ce côté de sa famille allaient, en 1782, jusqu’à prendre sur sa santé. Effrayés de sa mélancolie que rien ne pouvait distraire, de son indifférence sur toutes choses, de cet amaigrisse-

  1. Mémoires de la République des lettres, vol. XXXV.