Aller au contenu

Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/271

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rancune, chaque jour excitée, remplit toute l’âme du duc d’Orléans et parut l’agrandir, les conseillers y jetèrent peu à peu l’avenir, les espérances lointaines, les idées qui sont des tentations, les rêves qui épouvantent d’abord et qui finissent par sourire les ambitions monstrueuses… À la seconde grossesse, le duc d’Orléans jurait, et avec quels outrages à la Reine ! que jamais le Dauphin ne serait son roi[1]. Marie-Antoinette, blessée de ses insolences, se vengeait de lui avec le ridicule ; et elle faisait dire par le roi au prince qui descendait à être l’entrepreneur de son Palais-Royal : « Comme vous allez avoir des boutiques, on ne pourra guère espérer de vous voir que les dimanches[2] ! » Les Biron, les Liancourt, les Sillery, les Laclos, recevaient et échauffaient le prince, tout furieux et tout honteux encore des rires de Versailles ; ils lui parlaient d’audace, de vengeance, d’exil de la grande dame en Allemagne[3]. Et le 4 mai 1789, abusant de l’homme, ils essayaient déjà la couronne au prince.

Par le Temple, salon du prince de Conti, par le Palais-Royal, salon du duc d’Orléans, par ces deux salons du monde intelligent, la Reine trouvait, au plus haut de la meilleure société de Paris, deux centres ennemis, dont l’un devait jusqu’à sa mort rallier les calomnies et les conjurations contre elle.

  1. Mémoires historiques et politiques par Soulavie, vol. VI.
  2. Correspondance secrète (par Métra), vol. XIV.
  3. Maximes et pensées de Louis XVI. — Correspondance de Louis-Philippe d’Orléans publiée par le C. R. 1800.