Un matin, c’était au mois de septembre 1789, Mirabeau venait chez un ami : « Mon ami, lui disait-il, il dépend de vous de me rendre un grand service, je ne sais où donner de la tête. Je manque du premier écu. Prêtez-moi quelque chose. » Et Mirabeau emportait un rouleau de cinquante louis de chez M. de la Marck[1].
Aussitôt M. de la Marck courait aboucher la conscience de Mirabeau avec la cour. Aux ouvertures que M. de la Marck faisait faire par madame d’Ossun auprès de la Reine, à ces paroles qu’il lui faisait porter, « qu’il s’était rapproché de Mirabeau pour le préparer à être utile au Roi, lorsque les ministres se verraient forcés de se concerter avec lui, » la Reine répondait elle-même à M. de la Marck : « Nous ne serons jamais assez malheureux, je pense, pour être réduits à la pénible extrémité de recourir à Mirabeau. »
Mirabeau ne tardait pas à s’impatienter qu’on ne le marchandât pas encore, et il laissait tomber dans l’oreille de M. de la Marck, pour effrayer la cour : « À quoi donc pensent ces gens-là ? Ne voient-ils pas les abîmes qui se creusent sous leurs pas ?… » — « Tout est perdu, disait-il encore à la fin de septembre : le Roi et la Reine y périront, et vous le verrez, la populace battra leurs cadavres… oui, oui, on battra leurs cadavres[2] !… »