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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/363

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des cris affreux qui menacent d’une catastrophe. Je vous en conjure mon cher frère, réfléchissez à ce que je vous écris, à ce que vous a écrit le Roi. Ce que vous ferez de contraire nous causera un véritable désespoir. Mes enfants se portent assez bien, et la bonne Élisabeth, qui est pour nous comme un ange, doit vous écrire par la même occasion.

« Adieu, je vous aime de tout mon cœur.

« MARIE-ANTOINETTE[1]. »

La lourde responsabilité, l’énorme tâche, l’écrasant labeur pour une femme : porter, dans la tempête, la fortune du Roi, et disputer au destin ces lambeaux d’une monarchie, l’héritage d’un fils ! Vaincue, rester debout ; désespérée, vouloir encore se refuser aux larmes, et se forcer à la pensée ; calculer, combiner, proposer, résoudre, émouvoir, persuader, combattre sans repos, combattre devant soi et autour de soi, combattre la versatilité du Roi toujours prête à s’échapper, combattre la voix de l’émigration[2] dans la voix de la sœur du Roi qui se penche à son oreille, reconquérir chaque jour Louis XVI sur lui-même et sur Madame Élisabeth !

  1. Copie de lettre autographe communiquée par M. le marquis de Biencourt, et publiée pour la première fois par nous.
  2. Le comte de la Marck au comte de Mercy. Revue rétrospective, 2e série, vol. II.