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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/375

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dans cette fièvre et cette activité douloureuse de sa tête et de son cœur ; et elle s’étonnait de cette force que Dieu donne aux faibles pour souffrir.

Elle avait repris sa vie ; mais ses jours n’étaient plus qu’alarmes, ses nuits n’étaient plus qu’alertes. Tout bruit menaçait ; toute heure craignait les faubourgs. Un homme d’ailleurs dans le château et un couteau suffisaient… Il fallait changer les serrures de la Reine, puis faire quitter à la Reine son appartement du rez-de-chaussée ; et la Reine, en prêtant l’oreille, eût pu entendre rôder l’assassinat dans les corridors. Tout le mois de juillet, les femmes de la Reine, malgré ses ordres, n’osaient dormir, n’osaient se coucher[1].

Par moments, il y avait encore chez la Reine des révoltes, des espérances, des projets ; mais ces mouvements, ces élans, ces lueurs, étaient sans suite et sans durée. Le Roi était à côté de la Reine ; il lui ôtait toute illusion, et jusqu’au courage de penser à l’avenir. Comment espérer, pourquoi tenter seulement de décider à un coup hardi, à une grande entreprise, à l’audace de la défense, ce Roi dont la patience était le seul héroïsme ? Et la Reine retombait bientôt des agitations et des rêves de sa volonté dans une résignation désolée. Enchaînée par la faiblesse, mais jalouse de l’autorité et de la dignité de la personne royale, elle repoussait l’idée de montrer ce que peuvent « une femme et un enfant à cheval. » Elle refusait de rien tenter, de rien

  1. Mémoires de Mme Campan, vol. II.