Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/379

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du palais n’avait plus de pudeur, et la menace perdait toute honte. Sous ces fenêtres de la Reine où l’on avait tiré des fusées et chanté la mort de Marlborough le jour de la nouvelle de la mort de son frère Léopold[1], la Vie de Marie-Antoinette était criée, des estampes infâmes étaient montrées aux passants. Le jardin des Tuileries fermé, la terrasse des Feuillants était donnée au peuple par l’Assemblée, et de là, ce que vomissaient contre la Reine les hommes et les femmes était si monstrueux, que la Reine était par deux fois obligée de se retirer. Elle ne pouvait plus sortir avec ses enfants… Souvent précipitant son pas, la voix frémissante, elle effrayait ses femmes, en voulant descendre au jardin pour haranguer l’outrage : « Oui, — s’écriait-elle en parcourant sa chambre, — je leur dirai : Français, on a eu la cruauté de vous persuader que je n’aimais pas la France… moi mère d’un Dauphin ! moi !… » Puis bien vite l’illusion de toucher un peuple d’insulteurs l’abandonnait[2].

Ce supplice dura sept mois. Lisez cette lettre déchirante de la Reine à madame de Polignac, le 7 janvier 1792, alors que ce supplice commence :

« Je ne peu résister au plaisir de vous embrasser, mon cher cœur, mais ce sera en courant, car l’occasion qui se présente est subite, mais elle est sûre et elle jettera ce mot à la poste dans un gros paquet qui est pour vous ; nous sommes surveillés comme des criminels, et, en vérité, cette contrainte est horrible

  1. Journal de la cour et de la ville, 20 mars 1792.
  2. Mémoire de Mme Campan, vol. II.