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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/386

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« Voilà bien des feuilles, dit le Roi ; elles tombent de bonne heure cette année ! » Au bas de l’escalier de la Terrasse, hommes et femmes, brandissant des bâtons, barrent le passage à la famille royale. « Non ! — exclame la foule, — ils n’entreront pas à l’Assemblée ! ils sont la cause de tous nos malheurs ; il faut que cela finisse ! À bas ! à bas ! » La famille royale passe enfin[1]. À l’entrée du corridor des Feuillants, plein de peuple, un homme enlève à la Reine le Dauphin qu’elle tenait à la main, et le prend dans ses bras. La Reine pousse un cri. « N’ayez pas peur ; je ne veux pas lui faire de mal, » et l’homme rend l’enfant à sa mère aux portes de la salle. Entrés dans l’Assemblée, la Reine et la famille royale s’asseyent sur les siéges des ministres. « Je suis venu ici pour épargner un grand crime, » dit le Roi, monté au fauteuil à la gauche du président. La Reine a fait asseoir le Dauphin auprès d’elle. « Qu’on le porte à côté du président ! — crie une voix, — il appartient à la nation ! L’Autrichienne est indigne de sa confiance ! » Un huissier vient prendre l’enfant, pleurant d’effroi et s’attachant à sa mère[2]. Mais la Constitution défend à l’Assemblée de délibérer devant le Roi : la famille royale est menée dans la loge grillée de fer, derrière le fauteuil du président, la loge du Logotachygraphe. Un roi, une reine, leurs enfants, leur famille, leurs derniers ministres, leurs derniers serviteurs, s’entassent

  1. Chronique de cinquante jours.
  2. Lettre de M. d’Aubier.