Aller au contenu

Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/387

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans dix pieds brûlés de soleil. Au dehors, ce sont les hurlements de joie des promeneurs de têtes ; puis un feu roulant de mousqueterie, puis le canon… Dans l’Assemblée, à quelques pas, sous les yeux de cette Reine qui eût voulu mourir en roi, ce sont les députations de la Commune, les orateurs des faubourgs, les motions de déchéance, les égorgeurs sanglants vidant leurs poches sur le bureau, et bientôt le décret lu par Vergniaud. « Le peuple français est invité à former une Convention nationale… Le chef du pouvoir exécutif est suspendu… »

Le soir, à sept heures, enfoncée dans l’ombre de cette prison étouffante, soutenue depuis le matin seulement par quelques gouttes d’eau de groseille, abîmée dans les larmes, trempée de sueur, son fichu mouillé, son mouchoir en eau, il y avait, portant sur ses genoux la tête de son fils endormi, une malheureuse femme qui avait été la reine de France… Elle demandait un mouchoir ; nul de ceux qui l’avaient suivie jusque-là ne pouvait lui en donner un qui n’eût pas étanché le sang de ses derniers défenseurs[1] !

Le tourment de cette séance ne finissait qu’à deux heures du matin. La Reine était conduite aux cellules, préparées et meublées à la hâte, dans l’ancien couvent des Feuillants, au-dessus des bureaux de l’Assemblée. À la lueur des chandelles fichées dans les canons de fusil et montrant le sang

  1. Mémoires inédits du comte François de la Rochefoucauld.