Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/388

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des piques, elle passait dans ce peuple qui savait déjà le refrain :

« Madame Véto avait promis
De faire égorger tout Paris… »

Tremblant pour son fils effrayé, la Reine le prenait des mains de M. d’Aubier, et lui parlait à l’oreille ; et l’enfant montait l’escalier en sautant de joie. « Maman, — disait le pauvre enfant, — m’a promis de me coucher dans sa chambre, parce que j’ai été bien sage devant ces vilains homme. »

La famille royale couchée, les cris demandant la mort de la Reine, les cris : « Jetez-nous sa tête ! » arrivaient jusqu’aux oreilles du Roi[1].

Le lendemain matin, la Reine, désespérée, tendait les bras à quelques-unes de ses femmes qui accouraient lui offrir leurs services : « Nous sommes perdus, leur disait-elle, tout le monde a contribué à notre perte… » Et comme le Dauphin entrait dans sa chambre avec Madame : « Pauvres enfants ! qu’il est cruel de ne pas leur transmettre un si bel héritage, et de dire : Il finit avec nous !  » Puis la Reine parlait des Tuileries, demandait les morts, s’inquiétait des personnes qu’elle aimait, de la princesse de Tarente, de la duchesse de Luynes, de madame de Mailly, de madame de la Roche-Aymon et de sa fille[2].

Linge, vêtements, tout manquait à la Reine, tout manquait aux siens. Elle était obligée d’accepter

  1. Lettre de M. d’Aubier.
  2. Mémoires de Mme Campan, vol. II.