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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/397

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royale, dont celle-ci n’était que le commencement.

La Reine n’a plus de femmes ; la Reine se sert elle-même ; la Reine habille le Dauphin, qu’elle a pris dans sa chambre[1], et elle sera trop heureuse d’avoir, à la fin d’août, Cléry pour la peigner[2].

Mais le supplice de sa vie nouvelle n’est pas là. Ces misères ne la touchent pas, parmi tant de misères. Il est un autre tourment de chacune de ses heures : avec Hüe entre dans sa chambre, pour tout le jour, les municipaux de service auprès d’elle ; le dévouement ouvre au soupçon et à l’espionnage. La femme n’est seule, la mère n’est libre qu’en ces moments, pris sur son sommeil, qui précèdent huit heures. Tout le reste des longues heures du jour, l’oreille de Denys et les yeux de la Commune sont dans la chambre de Marie-Antoinette. Pas un geste, pas une parole, pas un coup d’œil, pas une caresse, rien qui n’ait ses témoins et ses délateurs ! pas une seconde où Marie-Antoinette se possède, où Marie-Antoinette possède sa famille ; toujours ces hommes épiant ses yeux, ses lèvres, son silence ! Toujours ces hommes la poursuivant jusque dans la chambre où elle se sauve pour changer de robe ! C’est là le supplice, le supplice qui sans cesse recommence sans finir. La nuit, la nuit même, dans l’antichambre où couchait tout à l’heure madame de Lam-

  1. Dernières années, par Hüe.
  2. Journal de Cléry.