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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/399

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sang et de son caractère que cette Madame Élisabeth, qui ne désarme les injures que par ce mot chrétien : « Bonté divine[1] » ! la Reine frémira, elle s’indignera ; et, repoussant l’outrage, elle le boira jusqu’à la lie. Dans son corps même, la Reine sera plus torturée : les émotions déchirantes seront, pour son tempérament nerveux, de plus mortelles secousses.

Longtemps l’espérance alla et vint dans la pauvre femme mobile et changeante, essuyant tout à coup ses larmes, tout à coup replongée dans son chagrin ; parfois revenant à la jeunesse de son esprit, et s’oubliant à baptiser la Pagode un commissaire craintif qui ne répondait à ses questions que par un signe de tête[2] ; puis retombant et s’affaissant. Marie-Antoinette espérait encore, le jour où M. de Malesherbes s’offrit pour défendre le Roi ; et, les lendemains de ce jour, elle n’avait pas encore la force de renoncer au tourment de l’espoir[3].

La Reine appartenait encore à la terre. Elle y était liée par son mari, par son fils ; et il faudra la mort de son mari, l’enlèvement de son fils, pour que, du haut de toutes les douleurs humaines, Marie-Antoinette s’élève à ces visions du ciel, à ces communications de Dieu qui agenouillent tout à coup, dans la journée, Madame Élisabeth au

  1. Six journées passées au Temple, par Moille. Paris, Dentu, 1820.
  2. Quelques souvenirs, par Lepitre.
  3. Maximes et Pensées de Louis XVI et d’Antoinette.