Aller au contenu

Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/404

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Dans les premiers temps, la Reine descendait au jardinet faisait jouer ses enfants dans l’allée des marronniers. Mais, au bas de la tour, les deux geôliers, Risbey, et ce Rocher, l’insulteur de la famille royale au 10 août, dans le trajet des Tuileries à l’Assemblée, lui lançaient au visage la fumée de leurs pipes[1] ; autour d’eux, à cheval sur les chaises apportées du corps de garde, les gardes nationaux applaudissaient, riaient et faisaient au passage de la Reine une haie de risées et d’insolences. Dans le jardin où Santerre et les commissaires promenaient la famille royale, les soldats s’asseyaient et se couvraient devant la Reine. Les canonniers, dansant en ronde, la poursuivaient avec le Ça ira et les chants de la Révolution[2]. Les ouvriers qui remplissaient le jardin se vantaient tout haut d’abattre, avec leur outil, la tête de la Reine…[3].

Quand la Reine remontait, les Marseillais chantaient sur l’air qui berça son fils :

« Madame à sa tour monte, « Ne sait qu’en descendra…[4]. »

La Reine resta quelques jours sans descendre ; mais les enfants avaient besoin d’air, d’espace, de jeux. Ils souffraient, ils étouffaient. La Reine s’arma

  1. Dernières années, par Hüe.
  2. Journal de Cléry.
  3. Récit de Madame.
  4. Fragments historiques sur la captivité de la famille royale à la tour du Temple, recueillis par M. de Turgy à la suite des Mémoires historiques, per Eckard. 3e édition. Paris, 1818.