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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/405

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de son courage de mère, traversa les mauvaises paroles et redescendit au jardin.

Aussi bien, là-haut comme en bas, l’outrage et la menace entourent la Reine. Si le jardin a ses hommes, la tour a ses murs. Les charbonnages et les inscriptions y répètent comme un refrain : Madame Véto la dansera[1] !

L’écho même y apporte l’injure et le rire des stupidités immondes et des pamphlets cannibales, les ordures des Boussemard, le Ménage royal en déroute, la Tentation d’Antoine et de son cochon… Mais ne faisons pas à cette fange l’honneur de la remuer.

Il est au-dessous de tous ces outrages à la Reine un outrage honteux, que nul peuple, nul temps n’avait encore osé contre la pudeur d’une femme : il n’y a de garde-robe pour les princesses que la garde-robe des municipaux et des soldats[2] !

      *       *       *       *       *

Dix-huit jours après le 3 septembre, la rue se remplit encore de cris. Les prisonniers se souviennent et tressaillent : mais non ; aujourd’hui ce n’est point une tête au bout d’une pique : c’est la République.

Pendant que le municipal Lubin proclamait sous la tour, d’une voix de stentor, l’abolition de la royauté, Hébert et Destournelles, de garde dans la chambre de la Reine, épiaient ces fronts d’où tombait une couronne ; ils n’y purent rien lire. La

  1. Journal de Cléry.
  2. Ibid.