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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/407

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n’était alors qu’une menace. Le 29 septembre, c’est un arrêt. La Commune a résolu : « Louis et Antoinette seront séparés. Chaque prisonnier aura un cachot particulier. » Et les municipaux emmènent coucher le Roi dans la grosse tour du Temple, adossée à la petite tour[1].

Le lendemain à dix heures, Cléry entre avec les municipaux chez la Reine. La Reine pleurait, entourée de ses enfants et de Madame Élisabeth en pleurs. Elle se précipite vers Cléry, et ce sont mille questions sur le Roi. Elle va aux municipaux, les supplie d’une voix entrecoupée : « Être avec le Roi au moins pendant quelques instants du jour… à l’heure des repas… » Elle les implore avec ses larmes, avec ses sanglots, avec des cris, si belle, si furieuse de passion, qu’elle arrache à un municipal : « Eh bien ! ils dîneront ensemble aujourd’hui, demain… » ; si douloureuse et si désespérée que Simon se croit un moment des larmes, et bougonne assez haut : « Je crois que ces b… de femmes me feraient pleurer[2] » !

Les jours suivants, la Commune toléra que la Reine prît ses repas avec le Roi, à la condition que pas une de ses paroles ne serait dite assez bas pour échapper à l’oreille des commissaires[3].

La Reine attendit trois semaines la consolation d’habiter la grosse tour, la tour qu’habitait son mari. Elle se flattait de le quitter moins, le sachant,

  1. Journal de Cléry.
  2. Ibid.
  3. Ibid.Récit de Madame.