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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/408

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même absent, à quelques pieds au-dessous d’elle. Elle ne savait pas encore la torture d’être si loin de ceux qu’on aime, lorsqu’on est si près ! Le 26 octobre enfin, les municipaux procèdent au transfèrement des femmes dans la grosse tour. La Reine monte l’escalier d’une des tourelles. Elle passe devant le corps de garde du premier étage ; elle passe devant la porte du logement de son mari. Elle a franchi sept guichets, elle est au troisième étage : une porte de chêne s’ouvre, puis une porte de fer : c’est sa nouvelle prison, trente pieds carrés divisés en quatre pièces par des cloisons en planches ; d’abord une antichambre dont le papier, — des pierres de taille grossièrement ombrées, — fait un cachot[1] ; à droite la chambre des Tison ; à gauche la chambre de Madame Élisabeth ; et en face la Reine, sa chambre. Un jour sombre et sans soleil descend, de la fenêtre grillée et masquée par un soufflet, sur le carrelage à petits carreaux, et sur le papier vert à grands dessins fond blanc[2]. Un lit à colonnes et une couchette à deux dossiers s’adossent aux angles des cloisons. Une commode en acajou fait face au lit. Un canapé est de côté dans l’embrasure de la fenêtre. Sur la cheminée, il y a une glace de quarante-cinq pouces et une pendule : cette pendule, qui devait mesurer le temps à la veuve de

  1. Lettre sur la prison du Temple et sur les deux enfants de Louis XVI, pour servir de supplément aux Mémoires de Cléry.
  2. Histoire de Marie-Antoinette, par Montjoye, vol. II.