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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/415

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salle est prête ; la table rangée, les chaises au fond ; sur la table une carafe et un verre ; Louis XVI a songé à tout : la Reine peut s’évanouir. À huit heures la porte s’ouvre. La Reine tenant son fils par la main, Madame et Madame Élisabeth se précipitent dans les bras du Roi. La Reine veut entraîner le Roi vers sa chambre : « Non, dit le Roi, je ne puis vous voir que là ». Ils passent dans la salle à manger. Les municipaux sont à leur poste derrière la porte vitrée et la cloison en vitrage ; ils ne peuvent entendre, mais ils espionnent de l’œil cette douleur, la plus grande peut-être dont Dieu ait infligé le spectacle à des hommes ! D’abord des sanglots. La Reine est assise à la gauche du Roi, Madame Élisabeth à sa droite, Madame Royale presque en face, le Dauphin debout entre ses jambes. Le Roi parle. Après chaque phrase du Roi, la Reine, Madame Élisabeth, les enfants fondent en sanglots. Au bout de quelques minutes la voix du Roi reprend ; au bout de quelques minutes les sanglots recommencent. Tous se penchent : c’est le Roi qui bénit sa femme, sa sœur, ses enfants. La petite main du Dauphin se lève : c’est le Roi qui fait jurer à son fils de pardonner à ceux qui font mourir son père[1]. Puis plus de paroles : rien qu’un sanglot de toute cette famille…[2]

Un quart d’heure après, il était dix heures un quart, le Roi se lève. D’une main la Reine lui saisit le bras, et de l’autre prend la main du Dauphin. Madame Élisabeth,

  1. Journal de Cléry.
  2. Mémoires de l’abbé Edgeworth de Firmont recueillis par Sidney Edgeworth. Paris, Gide, 1817.