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Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/435

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La République avait logé auprès des prisonnières, dans leur appartement, derrière un vitrage, un couple d’espions : l’homme et la femme Tison. Ces malheureux, qui essayaient de s’approcher de la confiance de la Reine et de Madame Élisabeth, avec le patelinage et l’hypocrisie, pour les livrer et les vendre, passant leur vie à épier et faisant soupçon de tout derrière de faux semblants de pitié, les Tison avaient au fond d’eux comme une espèce de cœur : ils avaient une fille et l’aimaient[1]. C’était avec cela que la Révolution les maniait et les tenait ; c’était en leur montrant et en leur retirant cette fille que la Commune jouait d’eux comme d’animaux affamés ou repus. Privés de la voir, exaspérés, ils déclaraient le 20 avril, sans qu’il fût besoin de les pousser, « que la veuve et la sœur du dernier tyran avaient gagné quelques officiers municipaux, qu’elles étaient instruites par eux de tous les évènements, qu’elles en recevaient les papiers publics, et que par leur moyen elles entretenaient des correspondances. » Et la femme Tison montrait d’un air de triomphe la goutte de cire que Madame Élisabeth avait laissée par mégarde tomber sur son chandelier en cachetant une lettre de l’abbé Edgeworth. Rien pourtant n’était encore désespéré. Les nouveaux commissaires, remplaçant les commissaires suspects, étaient à la dévotion de Toulan ; Follope jetait au feu la dénonciation de la femme Tison contre Turgy[2], et du dehors Toulan pouvait en-

  1. Récit de Madame.
  2. Mémoires sur Louis XVII, par Eckard.