Aller au contenu

Page:Goncourt - Histoire de Marie-Antoinette, 1879.djvu/454

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

imagination. Elle demandait à Dieu de ne pas la faire attendre, aux livres de la faire patienter. Mais quels livres dont la fable ne soit petite et l’intérêt médiocre, auprès du roman de ses infortunes ? Quelles lectures pourront, à force d’horreur, arracher un moment à son présent la Reine de France à la Conciergerie ? « Les aventures les plus épouvantables !  » c’est l’expression même de Marie-Antoinette lorsque, par Richard, elle demande des livres à Montjoye ; et rien n’est capable de distraire son agonie que l’histoire de Cook, les voyages, les naufrages[1], les horreurs de l’inconnu, les tragédies de l’immensité, les batailles poignantes de la mer et de l’homme.

Une déception, un retard arrêtaient bientôt l’impatience de la Révolution, « la grande joie du père Duchêne de voir que la Louve autrichienne va être à la fin raccourcie[2]. » L’accusation avait beau chercher, il lui était impossible de trouver une preuve écrite contre la Reine. Longtemps avant la journée du 10 août, la Reine, plus prudente que le Roi, ne s’était jamais couchée sans avoir brûlé tous les papiers capables de compromettre ses amis[3]. Les seuls papiers qui eussent pu la compromettre avaient été détruits ou perdus à la suite de la suppression du tribunal du 17 août, chargé de l’instruction des procès d’Affry et Cazotte. Cependant les rêves de Marat ne pouvaient suffire.

  1. Histoire de Marie-Antoinette, par Montjoye, vol. II.
  2. Le père Duchêne, n° 268.
  3. Dernières années de captivité, par Hüe.